Accueil CHRONIQUES Que nous enseigne le concert d’Afrotronix au Festival Dary?

Que nous enseigne le concert d’Afrotronix au Festival Dary?

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La grande fête de cette fin d’année aura été le Festival Dary qui a débuté le 22 décembre 2018 et qui s’achève ce mercredi 02 janvier 2019. Le festival au fil des jours se divisait en deux parties bien distinctes: les manifestations traditionnelles qui se tenaient dans l’après-midi et les concerts de musique en soirée. Dans la programmation, le choix des organisateurs s’est porté sur Caleb Rimtobaye l’Afrotronix pour le concert d’entrée en nouvelle année.

Beaucoup d’interrogations à ce moment on fait surface dans mon esprit surtout par rapport au public tchadien qui n’est souvent sensible qu’à la musique qu’elle connait. Au delà du trophée du meilleur Dj africain remporté par Caleb Rimtobaye aux derniers AFRIMMA, il fallait maintenant faire face à un public qui à la base ne connait pas les propositions de notre Dj national. A l’arrivée, Caleb a déjoué tous les pronostics pessimistes dans lesquels le public tchadien nous a souvent conforté.

La world musique dans  sa définition la plus complète

Caleb Rimtobaye l’Afrotronix ©Saomagazine

J’aurai bien pu dire l’african music, mais ce serait ignorer toute la magie technologique qui accompagne et agrémente le spectacle de l’Afrotronix. Il fallait bien un artiste de la carrure de Caleb pour en arriver à bouger un public inculte, intrinsèquement communautariste qui n’est souvent sensible à ce qu’il connait déjà. Un public insensible à la découverte, qui n’aime pas surprendre son ouïe. Dans sa posture de Dj, instrumentiste, chanteur et interprète, c’est un tout qui s’est présenté au public. Caleb a fait le tour du Tchad en musique, en allant puiser dans les sonorités de chacune des communautés traditionnelles qui constituent le Tchad. Un exploit qui pour une première fois nous avons pu voir un public mixte (comprenez nordiste & sudiste) qui dansait en toute gaieté, chacun essayant tant bien que mal d’imiter les pas de danse propre à chaque communauté.

Caleb Rimtobaye, c’est un tout en un qui s’est proposé au public

Caleb Rimtobaye aux platines ©Saomagazine

L’Afrotronix était en défi envers lui-même d’abord: venir montrer et démontrer au public tout son génie créatif, qui fait son succès d’outre-mer. Dj, instrumentiste, chanteur et interprète, c’est un medley artistique! Ajouté à cela une mise en scène bien pensée, avec des danseurs et des apparitions ponctuelles de quelques artistes en featuring sur certains de ces morceaux. On n’a justement vu apparaître Criss John et Obie G sur la scène. Ils sont montés, on fait leur truc et sont aussitôt repartis, sans nous servir des discours d’atalaku* que nous servent souvent les artistes invités sur la scène d’un autre artiste, sûrement pour marquer leur présence tout en cassant la magie du spectacle.

Pour ce qui est d’Afrotronix, la magie du spectacle est restée la même durant les 60 minutes qu’ont duré son concert, malgré le balai des danseurs et même les soucis techniques n’ont rien enlevé au spectacle. D’ailleurs il fallait être sur la scène pour s’en rendre compte car le public qui dansait et sautillait n’en a surement pas eu conscience.

Afrotronix a transcendé les réalités tchadiennes par sa musique

Communion avec les artistes et danseurs ©Saomagazine

Le son, la lumière (un travail formidable que faisait Elete Rimtobaye à la régie), sur la scène guitare, batteries, percussions et Djing ont accompagné Caleb dans sa performance. S’il fallait confier la composition d’un hymne de ce festival qui se voulait rassembleur à un artiste, force est de constater que ce serait sûrement le mieux nanti pour créer une magie qui transcende les religions, les communautés, les traditions etc. C’est un peu curieux que ce soit un artiste qui vit hors du Tchad qui arrive à réaliser un tel exploit, de quoi remettre sur la table le rôle prépondérant que doivent jouer les artistes musiciens dans une société où les tensions socio-religieuses sont encore si fortes.

Caleb & Yannick Dricks ©Saomagazine

J’ai été particulièrement marqué par son humilité et la reconnaissance dont il a fait preuve envers Yannick Dricks, l’initiateur de sa candidature aux AFRIMMA et aussi à l’endroit de Netoua Ernestine deux personnes de l’ombre qu’il a décidé de mettre en lumière le temps de son spectacle. Un geste rare chez les artistes souvent plus sensibles aux bailleurs de bière qu’aux personnes dans l’ombre qui font un travail de fourmi pour eux.

Le festival Dary, au delà de toutes les insuffisances remarquées pour cette première édition aura à coup sur enrichit notre appréhension et notre compréhension de ce qu’est un festival sur la terre Toumaï (nous y reviendrons). Pour l’instant, chapeau bas à Caleb Rimtobaye, il a su défendre le nom et la lignée des légendaires musiciens dont il est issu.

 

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