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Lingui : le sujet de l’avortement au Tchad porté au cinéma par le cinéaste Mahamat Saleh Haroun

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Mahamat Saleh Haroun © Festival de Cannes

Le cinéaste tchadien résident en France Mahamat Saleh Haroun est en compétition pour la Palme d’Or au festival de Cannes avec son film « Lingui les liens sacrés ». Si le film a reçu une standing ovation lors de sa diffusion en première au festival, sur la toile tchadienne, il suscite déjà des débats virulents et pour cause, le film aborde un sujet autant délicat qu’incendiaire : l’avortement dans la société tchadienne.

Affiche officielle du film présentée au Festival de Cannes

« Le cinéma que j’aime c’est ce cinéma qui est un peu à un moment le porte-voix de ce qui se passe et qui provoque le débat, qui n’apporte pas toujours des solutions mais qui appelle à la responsabilité de tous ceux qui sont concernés par le sujet » tels sont les propos tenus par le cinéaste Mahamat Saleh Haroun dans une interview accordée à France 24. Quand on connait la filmographie de Mahamat Saleh Haroun, ses propos traduisent fidèlement son choix « cinématographique » et son gout pour la dramaturgie. Le cinéaste tchadien a finalement l’habitude de donner régulièrement des coups de claps dans la fourmilière des maux sociétaux du Tchad.

En 2013 déjà, Mahamat Saleh Haroun proposait le film « Grigris » qui abordait une histoire d’amour entre deux personnages controversés de la société : l’un handicapé et danseur et l’autre métisse franco-tchadienne prostituée rêvant de faire carrière dans le mannequinat. Dans le déroulé l’on retrouve aussi l’épineuse question du trafic d’essence qui sévit au Tchad. « Un Homme qui crie » (2010 Prix du Jury du festival de Cannes), « Une saison en France » (2017), le cinéaste tchadien a toujours s’est toujours attaqué à des sujets de société sur le fil du rasoir. Pour 2021, le cinéaste est retour à Cannes avec un sujet au cœur de l’actualité mondiale, au moment où les féministes sont au premier plan de toutes les revendications.

Lingui : l’avortement vu par Mahamat Saleh Haroun

Se basant sur le synopsis et la bande d’annonce du film, Lingui raconte le combat d’une adolescente de 15 ans Maria qui se retrouve enceinte d’une grossesse qu’elle ne veut pas garder. Elle va devoir se battre contre la loi et la religion pour arriver à ses fins. Le film livre ainsi une peinture du sujet de l’avortement mis en scène dans un pays où la loi interdit l’avortement et où tradition et religion sont intimement liées. Le film met aussi en exergue une solidarité insoupçonnable au sein de la sororité des jeunes dames et aborde aussi subtilement le sujet de l’excision. Un brief suffisant pour susciter déjà de virulents débats sur la toile tchadienne et particulièrement sur Twitter.

Une polémique sur le fil du rasoir d’un tabou sociétal où s’entremêlent mœurs, traditions et religion

Loin d’être un débat d’idées, ce qui a cours depuis au moins 48heures sur la toile tchadienne est en fait une polémique met en scène une bataille rangée deux camps : les fervents défenseurs de la religion d’une part, les féministes de l’autre côté et les progressistes et les modérés entre les deux feux. Les féministes ont une position très tranchée sur le sujet : « la société tchadienne est société patriarcale où l’homme n’est jamais coupable de rien et la femme est celle qui est toujours désignée comme la pécheresse ». Pour les défenseurs de la « tradi-religion » l’avortement est acte interdit par la religion et puni par la loi. » Ceux à quoi les progressistes rétorquent « qu’une femme devrait être libre de disposer de son corps comme elle le souhaite » et s’interrogent pourquoi à chaque fois que l’on parle d’avortement c’est toujours la femme qui est solitairement indexée alors que la grossesse est bien le fruit d’un acte commun à deux personnes… loin d’accoucher vraiment des idées et faire avancer le débat, la polémique suit son cours sur le réseau Twitter et ce qui est sûr, il n’est pas prêt de s’arrêter surtout que les protagonistes en question n’ont toujours pas encore visionné le film en question.

Des félicitations des autorités en faisant fi du débat, pendant que d’autres poussent la réflexion ailleurs…

Tweets des personnalités tchadiennes © Twitter

Le Président du CMT S.E Mahamat Idriss Deby, le Ministre des Affaires Etrangères Chérif Mahamat Zene, l’opposant politique M. Saleh Kebzabo ont chacun twitté des félicitations au cinéaste Mahamat Saleh Haroun pour une fois de plus « porter haut » l’image du Tchad à travers son cinéma sans toutefois se prononcer sur le sujet porté par le film. A croire que ce n’est pas pour demain que le sujet sur l’avortement qui peine déjà à être porté sur la place publique le sera sur la place politique.

D’autres personnes portent un autre regard sur ce énième film du cinéaste tchadien il est alors taxé d’« africain complexé qui cherche à plaire à l’occident à coup de films stéréotypés » par des certains, d’autres aux idées plus « complôtistes » voient simplement un autre cinéaste africain moulé dans la volonté de l’occident de propager une certaine image des sociétés africaines dans le but de nourrir une propagande de la société et de la civilisation. « Un cheval de Troie idéologique » tel est le terme avancé par un twittos…

Le film est très attendu au Tchad et sera diffusé à grande échelle

Le cinéaste Mahamat Saleh Haroun entouré de son équipe au Festival de Cannes © Festival de Cannes

Lors de l’interview que le cinéaste accordé à France 24 alors que la journaliste interrogeait Mahamat Saleh Haroun si un possible boycotte du film au Tchad vu son caractère « provocateur », Mahamat Saleh haroun s’est plutôt montré confiant et optimiste : « Le film est impatiemment attendu par les femmes parce qu’elles vivent ça tous les jours (…) on prévoit organiser des projections partout au Tchad et confier même le film à des associations féminines pour qu’elles en débattent et que les femmes puissent en fait jouir au sens propre de leur liberté… ». Une chose est certaine on n’a pas fini de parler de ce film.

 

 

 

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